Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Que signifie le terme « participation » ? Comment est-il compris, mis en place et vécu ? Sous quelle forme un projet devient-il « participatif » ? à partir de quel moment ? et de quelle manière ? Faut-il utiliser ce terme si « trendy » ou plutôt le « bannir » ?

Interpelée par ce terme, que ce soit dans ma pratique artistique personnelle ou dans ma fonction d’agente culturelle, j’aborde quelques recherches. Voici le début de ma réflexion.

Mon investigation m’amène en premier sur la Ladder of citizen participation de Sherry Arnstein. Cette échelle classe dans le milieu politique les différents degrés d’implication des citoyens. En ce en huit catégories. A la base de l’échelle se trouve la « non-participation », cela signifierait la manipulation des personnes. Si les citoyens sont invités à prendre part à un projet, ils n’ont pour autant aucun pouvoir en ce qui concerne les décisions ni la possibilité d’influencer les résultats. La présence des personnes serait utilisée uniquement pour atteindre d’autres buts (par exemple pour gagner des voix lors d’élections ou pour mettre une institution en lumière). A l’opposé, tout en haut de l’échelle, au niveau huit, la prise de décision est commune. C’est l’idéal. Des idées sont émises et un projet est initié par les citoyens eux-mêmes. Les politiciens, considérés comme partenaires, prennent part processus décisif.

Dans le domaine artistique et culturel, les projets dits « participatifs » ont depuis plusieurs années la cote. Et avec raison! C’est un moyen d’approcher l’art par l’activation du public, et ceci en l’impliquant dans le processus de création. Le public devient « participant ». Il prend part à un événement. Il expérimente concrètement divers éléments de la réalité par une démarche artistique. En vivant cette expérience, son approche avec l’action artistique (œuvre visuelle, pièce théâtrale, intervention dans l’espace public, etc.) lui ouvre d’autres portes dans la réception et la compréhension de celle-ci. Le public devient acteur, laissant de côté le mode passif du rapport « objet – sujet ».

Reprenant l’échelle mentionnée plus haut, je me pose les questions suivantes : Quel est le rôle du public dans les projets artistiques dits « participatifs »? Qui définit quoi, combien, à quel moment? L’implication des institutions, des artistes ou encore des écoles qui initient et organisent des projets dits « participatifs » est-elle prépondérante, laisse-t-elle suffisamment de place à l’intervention du public?

Dernièrement, l’artiste Hans Walter Graf, reconnu en Suisse pour ses projets « participatifs » nous a fait part, lors d’une rencontre à distance, à mes collègues agent.es culturel.les et moi-même, de son expérience dans le domaine. Très souvent invité par les écoles et par d’autres institutions, ses projets sont, nous explique-t-il, clairement définis par une méthode. Elle consiste en deux temps : une première étape où lui, seul, prépare, constitue et décide des bases du projet ; puis, lors de la deuxième étape, il intègre le public (par ex. des élèves d’une classe primaire). Ce dernier est invité à entrer, à un moment précis, dans le processus pour prendre part à la création. Lors de cet entretien, nous constatons néanmoins que le terme de « participation » dans la pratique de Hans Walter Graf, ne serait pas forcément l’équivalent d’un espace dit « libre » (Partizipation bedeutet nicht, gleicht nicht unbedingt einem machtfreien Raum). Autre exemple, autre définition : l’artiste suisse Thomas Hirschhorn, connu internationalement, explique dans une interview que son travail et ses interventions dans l’espace public ne sont pas des projets artistiques participatifs et qu’il ne fait pas d’art participatif. Il commente : « La participation ne peut être provoquée, initiée, et rien ne pourrait amener (…) Ce qui me fait le plus plaisir, c’est que quelqu’un dise : « C’est notre travail, notre projet ! » Je pense que la participation ne peut être ni un critère ni une condition pour l’art. La participation est un résultat possible de l’art (mais pas une fin en soi) (…) Je pense que la participation est un cadeau, un don. » Selon lui, la participation émergerait librement, mais ne serait, ne devrait aucun cas, être un but de l’art.

Plus fortement encore, le chorégraphe et danseur belge Jérôme Bell, lors d’un colloque en 2017, s’exprime sur le sujet. Il dit ne jamais utiliser le mot « participation » quand il parle de ses projets qui impliquent le travail de personnes non-professionnelles (par ex. des personnes en situation d’handicap). Il précise: « Je ne suis pas amateur. Je paie mes gens comme si je travaillais avec des danseurs professionnels. Je veux que mes pièces soient programmées de la même manière que toute pièce normale de théâtre ou de danse, c’est-à-dire le soir à 20h, et non qu’elles soient programmées l’après-midi. »

Lors de ce colloque intitulé l’art de la rencontre Stéphanie Airaud, modératrice et spécialiste de médiation, fait une excellente introduction et pose des questions essentielles (voir la retranscription ici) sur les notions de « démocratisation », « décloisonnement », « vulnérabilité » et de « pratiques situées ». En tant qu’agente culturelle, ces termes m’accompagnent. Le travail et les projets dans les écoles devraient en effet tendre à une participation active des élèves, à un droit de co-création et à l’expression de leurs idées. Je m’y attèle. Le chantier est grand et le challenge d’envergure. Il me semble que le Fast Festival (projet réalisé à l’ECGF de Fribourg) ainsi que les projets planifiés dans les deux écoles pour cette nouvelle année sont une piste.

A voir, à faire, à vivre !