Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Le processus est lancé... ! Idées, brèves interventions, quelques réalisations et échanges permettent d'interroger « l’espace » sous un autre angle.

Comment occuper l’espace pour y vivre mieux ? Saisissant cette thématique, je décide en début de l'année scolaire 2020/21 de visiter toutes les classes de première année (plus d’une vingtaine) au Collège du Sud à Bulle. Je souhaite d’une part rencontrer les élèves avec qui j’ai relativement peu de contact, et d’autre, les interroger sur la notion d’espace en les impliquant dans deux exercices.

Les exercices en question, développés de manière spontanée, consistent à écrire sur une feuille blanche le mot « ESPACE » de différentes manières : par ex. avec sa plus belle calligraphie, à l’envers, en utilisant toute la surface de la feuille, en fermant les yeux, dans une autre langue, etc. Dans un second temps, les élèves sont invités à se lever et à se mettre debout sur la table de travail pour observer leur relation à l’espace de la salle : quelles distances y-a-t-il entre mes collègues et moi ? qu’est-ce que cela provoque (sensations) ? le fait d’être debout, quelle influence y-a-t-il dans mon rapport aux choses (angle de vue, perspective) ? Après avoir expérimenté ces exercices avec plusieurs classes, on me fait savoir qu’il était interdit d’utiliser le matériel de telle sorte. Je suis « remise en place » ou « remise à ma place » et me pose la question : est-ce que l’initiative touche un tabou, si oui pour quelles raisons ? Mon but n’étant pas de chercher la confrontation, j’adapte l’exercice.

Conservées avec soin, la coordinatrice culturelle Claire-Lyse Pasquier et moi décidons d’utiliser ces feuilles avec l’inscription « ESPACE » pour une action poétique : un lâcher de feuilles dans les couloirs. L’espace intérieur du bâtiment, composé de trois étages, s’y prête bien. Une des classes de Claire-Lyse nous prête main forte et s’adonne avec joie. L’action ne dure que quelques secondes, mais l’effet-surprise de voir tomber du ciel des feuilles attire l’attention des habitant.e.s de l’école... Pour finaliser, nous improvisons une installation dans l’espace d’exposition en accrochant toutes les feuilles dans une sorte de mausolée.

Une exposition intitulée « Paysages pluriels », planifiée de longue date et initiée par François Rime, professeur de géographie, assisté de Carmen Buchilier, ancienne archéologue cantonale et membre de la Commission culturelle du Collège, prend place au printemps 2021 au rez de l’école. Cette vitrine a regroupé les travaux d’élèves en option complémentaire géographie ainsi que des travaux en classe d’arts visuels, en impliquant aussi la troupe de théâtre de l’école pour la lecture de textes. Une opportunité s’est alors offerte à nous : réaliser un espace fermé dans le but d’y projeter par le biais d'une vidéo les travaux de gravure d’élèves. Une structure en bois recouverte de feutre noir, faite sur mesure, s’emboite parfaitement dans un des compartiments du couloir. Ladite structure, modulable, peut être utilisée à différentes fins.

Indépendamment à nos activités, une classe de quatrième année en dialogue avec leur professeur de philosophie, décide de réaliser une action afin de répondre à une situation de déprédation qui a eu lieu à l’entrée du Collège. Ainsi, la classe photographie élèves et professeur.e.s confondus, un par un, sans masque, affichant un sourire et accroche les portraits imprimés le long des murs au troisième étage, telle sorte à former une fresque.

En guise de conclusion, je partage une anecdote : faute de places dans la cafétéria et la mensa (cela dû aux mesures sanitaires appliquées en lien avec la situation de la pandémie), l'espace d'exposition de l'école se voit transformer en réfectoire et salle d'étude. Durant toute l'année, l'espace accueille des dizaines d'élèves. Une amorce peut-être à la question fil rouge « Comment occuper l'espace pour y vivre mieux...? »