Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Cet été, je suis rentrée au Brésil. Rentrée, le mot peut paraître exagéré; je n’y ai jamais vécu. Mais mon nom de famille et l’accent chantant de mon père en sont témoin, j’y ai bien quelques racines.

La famille y vit toujours et cet été, après quelques pérégrinations ensoleillées, je retrouvais ma tante. Lúcia a travaillé toute sa carrière au SESC (Serviço Social do Commercio), un centre social pour les employés du secteur tertiaire et supporté financièrement par les directeurs des entreprises de prestation de service, de tourisme ou de commerce. Ayant pour vocation d’apporter bien-être et qualité de vie aux employés, cette institution privée à but non lucratif a débuté en 1946 et n’a eu cesse de se développer.

La création du SESC sʼest imaginée lorsque le Brésil connu, au lendemain de la seconde guerre mondiale, de grands changements politiques et socio-économiques. Ainsi «[u]ne frange éclairée du patronat brésilien publie une ‹Charte de la paix sociale› qui stipule que ‹Le capital ne doit pas être considéré juste comme un vecteur de profit, mais principalement comme un moyen dʼexpansion économique et de bien-être collectif.› […] Pour nourrir le ‹système S› (1), ils – ce consortium de patronat – font inscrire dans la loi lʼobligation patronale de reverser 1,5% de la masse salariale pour le ‹bien-être social› et 1% pour la formation.» (2)

Ayant en premier lieu focalisé leur politique sur un meilleur accès à la santé, le SESC s’est rapidement développé en élargissant son cahier des charges et en imaginant des projets à vocation sociale, puis culturelle. En effet, dans les années 1980, le SESC a introduit de nouveaux modèles d’action culturelle, conscient que l’éducation était une condition préalable à la transformation sociale. Cette organisation existe dans tout le Brésil, des mégalopoles aux villes de taille plus modeste, avec des points de focalisations correspondant aux besoins sur place. Il existe une quarantaine de SESC uniquement dans la ville de Sao Paulo qui emploie quelque 7000 personnes. Ces chiffres ne tiennent pas compte des projets hors-les-murs ou en collaboration avec dʼautres organismes. Dans sa frange culturelle, le SESC accueille les artistes internationaux les plus prestigieux, tout en valorisant de nombreux artistes locaux. Il ratisse tous les champs de la culture ; tout cela en collaboration avec la création d’ateliers, de cours semestriels pratiques ou théoriques, etc.

Quel que soit le projet ou le domaine d’action, la priorité est mise sur lʼouverture au plus grand nombre et sur l’éducation. Je pense que ma rencontre avec le panneau d’ascenseur du SESC de l’emblématique Avenida Paulista (cf. image) reflète bien cette diversité où se côtoient (et se mélangent) les domaines de la santé, du social, de l’art.

Cet après-midi-là, où je ne pensais que visiter la terrasse et profiter du panorama de la ville, je me suis retrouvée à déambuler entre un cours de Yoga, une exposition inédite de Bill Viola, en passant par une récitation de poésie urbaine de femmes afro-brésiliennes et finir dans un spectacle de jeunes artistes performeurs. Tout cela gratuitement, avec la compagnie d’un public très hétérogène.

Plus tard, j’ai discuté avec ma tante sur la nature de son travail et je me suis rendue compte que nos activités, au-delà de l’océan qui les séparent, se révèlent être très proches. Je suis revenue en Suisse avec ce goût du plaisir de la découverte. Je garde avec moi cette image du panneau de l’ascenseur, cohérent dans son apparente hétérogénéité, en m’apprêtant à ouvrir la porte à une nouvelle aventure. Celle qui débute aux Ecoles de Cultures Générales du canton de Fribourg, aux frontières des domaines de la santé, du social, de la pédagogie et du domaine culturel (3).

Notes:

(1) Le ‹système S› dont le SESC fait partie associe d’autres corps de métiers : «SENAI (Serviço Nacional de Aprendizagem Industrial), SESI (Serviço Social da Indústria), SENAC (Serviço Nacional de Aprendizagem Comercial), SESC (Serviço Social do Comércio), SENAR (Serviço Nacional de Aprendizagem Rural), SENAT (Serviço Nacional de Aprendizagem em Transportes), SEST (Serviço Social de Transportes), SESCOOP (Serviço Nacional de Aprendizagem do Cooperativismo)» Site internet Governo Brasil, consulté le 19 août 2018

(2) Site internet du journal Le Monde, consulté le 19 août 2018

(3) J’aimerais rapporter un dernier passage de l’article du Monde, qui cite Joffre Dumazedier (1915-2002), sociologue français, proposant une réflexion sur la fonction du travail, du temps libre et de la culture: «La culture vraie ne se limite pas à la sphère des idées ; elle conduit à un art de vivre, affirmait son manifeste. La culture populaire ne saurait être qu'une culture commune à tout un peuple : commune aux intellectuels, aux cadres, aux masses. Elle n'est pas à distribuer. Il faut la vivre ensemble pour la créer.» Site internet du journal Le Monde, consulté le 19 août 2018

Sources pour cet article: Visites au SESC Paulista et au SESC Pompeia, Discussions avec une ancienne collaboratrice du SESC, Site internet du SESC, Site internet du SESC, Site internet du journal Le Monde